Revue du Mauss, n” 37, premier semestre 2011, p. 447-475.

 

DŽmocratie, le laboratoire suisse

 

Antoine Bevort

Ē Les dŽfauts de la dŽmocratie exigent plus de dŽmocratie et non pas moins.Č Amartya Sen [2006, p. 45.]

 

Si de faon gŽnŽrale, comme lÕobserve J. Beaudouin, Ē la sociologie politique a mal ˆ la dŽmocratie Č [1998, p. 130], son malaise ˆ lՎgard de la dŽmocratie directe est encore plus manifeste. On considre souvent un peu rapidement que la souverainetŽ populaire ˆ lÕathŽnienne est inapplicable dans nos sociŽtŽs modernes pour des raisons comme la taille ou la complexitŽ des affaires publiques. Ainsi, D. Chagnollaud estime que Ē si ce procŽdŽ a pu jouer dans la citŽ grecque antique, force est de constater quÕil nÕest gure praticable ˆ lՎchelle dÕun grand pays Č [1993, p. 51]. Aux yeux de M. Hansen, historien danois, spŽcialiste de la dŽmocratie athŽnienne, cet argument trs courant appara”t de moins en moins pertinent et Ē revient ˆ ignorer que la technique moderne a rendu tout ˆ fait possible un retour ˆ la dŽmocratie directe – que ce soit souhaitable ou non est une autre question Č [1993, p. 21]. LՎcho rŽcent rencontrŽ par les dispositifs participatifs nÕa pas levŽ les doutes quant ˆ lÕintŽrt de donner aux citoyens, outre le droit de vote, un rŽel pouvoir de dŽcision dans les sociŽtŽs contemporaines.

LÕexemple suisse reste ainsi Žtonnamment peu sollicitŽ dans le contexte dÕun dŽbat pourtant vif sur la crise politique des dŽmocraties reprŽsentatives. Il ne suscite le plus souvent quÕun intŽrt anecdotique – qui nÕa entendu ou lu de rapides propos moqueurs sur la Landsgemeinde dÕAppenzell Rhodes-IntŽrieures, rŽduit ˆ une forme dŽmocratique pittoresque mais sans intŽrt pour nos complexes sociŽtŽs contemporaines – ou conjoncturel, comme aprs la votation sur les minarets en novembre 2009. Le cas suisse est par exemple absent dans Le nouvel esprit de la dŽmocratie, ActualitŽ de la dŽmocratie participative, de Lo•c Blondiaux [2008]. LÕouvrage de Marie-HŽlne BacquŽ, Gestion de proximitŽ et dŽmocratie participative, une perspective comparative [2005], fait ˆ cet Žgard exception, mais le chapitre consacrŽ ˆ la Suisse, intitulŽ Ē Ė propos de la dŽmocratie directe Č, signŽ par Bernard Voutat, est une des rares contributions trs critiques de lÕouvrage. Ce point de vue sceptique sur le cas suisse illustre le rŽsultat un peu Žtrange de connaissances et dՎloges plus approfondis sur les budgets participatifs sud-amŽricains que sur les votations suisses.

Comme lÕindique lÕintŽrt citoyen pour les votations dont a tŽmoignŽ, aprs le rŽfŽrendum europŽen de 2005, la votation citoyenne sur la poste en 2009, le systme politique suisse mŽrite cependant une attention renouvelŽe. En effet, depuis lÕinstitution du rŽfŽrendum constitutionnel obligatoire en 1848 et de lÕinitiative populaire en 1891, les votations suisses sont une des manifestations contemporaines de dŽmocratie directe les plus abouties. Aprs avoir rappelŽ de quelles faons les institutions de la dŽmocratie directe marquent de leur empreinte le systme politique suisse[1], lÕarticle Žvalue lÕimportance et la portŽe de ces droits, avant de les confronter en conclusion ˆ la thŽorie de la dŽmocratie consociative dÕA. Lijphart [1977] et de G. Lehmbruch [1993], dont la Suisse reprŽsente ˆ leurs yeux un exemple privilŽgiŽ.

1. Les Ē droits populaires Č dans le systme politique suisse

Le systme politique suisse peut tre dŽfini comme une dŽmocratie semi-directe, un mixte de dŽmocratie directe et reprŽsentative dans lequel le peuple participe avec le gouvernement et le Parlement aux prises de dŽcisions politiques. Avec le fŽdŽralisme et la concordance (associŽe au principe de la collŽgialitŽ), les institutions de la dŽmocratie directe sont un des trois piliers du rŽgime politique suisse.

Le fŽdŽralisme, sa caractŽristique la plus ancienne et probablement la plus connue, remonte ˆ lÕannŽe 1848, quand la Suisse a transformŽ son systme politique en ƒtat fŽdŽral. AujourdÕhui, la Suisse est un rŽgime fŽdŽral composŽ de vingt-cinq cantons, dont le bicamŽrisme ŽquilibrŽ des chambres Parlementaires est lÕexpression. ReprŽsentant les cantons, le Conseil des ƒtats compte quarante-six siges rŽpartis ˆ raison de deux siges pour chacun des vingt cantons et d'un sige pour chacun des demi-cantons (Obwald, Nidwald, B‰le-Ville, B‰le-Campagne, Appenzell Rhodes-ExtŽrieures et Appenzell Rhodes-IntŽrieures). Ainsi le canton de Zurich, qui compte 1 million d'habitants, Žlit deux conseillers au Conseil des ƒtats, tout comme Uri qui a moins de 36 000 habitants. Le Conseil national, dont les membres sont Žlus ˆ la reprŽsentation proportionnelle au prorata du nombre des habitants des circonscriptions cantonales, dispose du mme pouvoir que le Conseil des ƒtats [Kriesi, 1998].

Les deux conseils aux pouvoirs identiques forment lÕAssemblŽe fŽdŽrale qui fonctionne selon le principe de la Ē concordance Č, deuxime caractŽristique essentielle du systme politique suisse. La dŽmocratie de concordance, Ē notion Žquivalente, parmi les politologues de langue allemande, ˆ celle de dŽmocratie consociative forgŽe par Lijphart Č [Lehmbruch, 1993, p. 44], renvoie au fait que Ē les dŽcisions ne se fondent pas sur la rgle de la majoritŽ, mais sur la recherche dÕaccords ˆ lÕamiable ou de compromis Č[2]. Les principales forces politiques acceptent gŽnŽralement le jeu du compromis plut™t que celui de la majoritŽ et de lÕopposition. Il nÕy a donc pas de vŽritable parti dÕopposition. Ce principe, qui remonte dans sa version contemporaine aux annŽes 1930, se traduit notamment dans la composition du gouvernement helvŽtique, nommŽ le Conseil fŽdŽral, comprenant les reprŽsentants des principaux partis politiques suisses en fonction de leurs nombres dՎlus au Conseil national. La concordance est insŽparable de lÕesprit de collŽgialitŽ qui fonde la responsabilitŽ collective de tous les membres du gouvernement qui fonctionne comme un collge solidaire[3].

Les sept membres du gouvernement sont Žlus par lÕassemblŽe fŽdŽrale, rŽunissant les deux chambres, selon une clef de rŽpartition dite la Ē formule magique Č de 2+2+2+1, instaurŽe en 1959. La clef de rŽpartition fixe la composition du gouvernement, attribuant deux reprŽsentants au parti socialiste suisse (PSS), au parti radical socialiste (PRS) et au parti dŽmocratie chrŽtien (PDC), et un reprŽsentant ˆ lÕunion dŽmocratique du centre (UDC). Depuis 2003, la formule magique a ŽtŽ modifiŽe suite ˆ lÕaudience Žlectorale croissante de lÕUDC qui a remplacŽ le PDC comme une des trois grandes forces politiques[4]. Sa double reprŽsentation au sein de lÕexŽcutif, acquise en 2003 aux dŽpens du PDC, a ŽtŽ cependant rŽduite par la dŽmission du parti dÕun de ses membres, tout en restant membre du Conseil fŽdŽral. Actuellement, le Conseil fŽdŽral comprend deux UDC (depuis 2008, 1 + 1 parti bourgeois dŽmocratique), deux PSS, deux PRD[5], et un PDC. Les membres du Conseil fŽdŽral sont Žlus pour un mandat de quatre ans renouvelable[6]. Le Conseil fŽdŽral est assistŽ et conseillŽ dans le dŽroulement de ses affaires par la Chancellerie fŽdŽrale. Le Chancelier, Žgalement Žlu, qui prend part aux rŽunions hebdomadaires du cabinet avec un r™le de consultation, est parfois appelŽ de manire officieuse Ē le 8e conseiller Č. La prŽsidente ou le prŽsident de la ConfŽdŽration change chaque annŽe. Cette fonction ne confre aucun pouvoir ou privilge spŽcifique, et le prŽsident ou la prŽsidente continue d'administrer son propre dŽpartement.

Les droits populaires

Ē On appelle droits populaires (l'expression n'existe qu'en Suisse), ceux qui, parmi les droits politiques, permettent aux citoyens de participer aux prises de dŽcision par le biais de votations. Č[7] La pratique des votations citoyennes remonte ˆ la RŽvolution franaise de 1793. Ē CÕest la procŽdure dÕadoption de la seconde Constitution helvŽtique de 1802 qui consacre pour la premire fois sur le sol suisse le principe du scrutin populaire. Č [Micotti, 2003, p. 21] Les premiers rŽfŽrendums constitutionnels et lŽgislatifs apparurent dans divers cantons dans les annŽes 1830, prŽparŽs par la multiplication de pŽtitions.

Les votations citoyennes suisses se prŽsentent aujourdÕhui sous trois formes : les rŽfŽrendums obligatoires, les rŽfŽrendums facultatifs et les initiatives populaires qui se dŽclinent selon des modalitŽs spŽcifiques aux niveaux fŽdŽral, cantonal et communal. Au niveau fŽdŽral, le rŽfŽrendum obligatoire, qui existe depuis 1848, concerne toutes les modifications de la Constitution, de mme que lÕadhŽsion de la Suisse ˆ certaines organisations internationales comme lÕOTAN, lÕONU. LÕadoption de telles dispositions requiert la double majoritŽ du peuple et des cantons. Le 27 septembre 2009, la population suisse a ainsi acceptŽ deux projets de modification constitutionnelle : le relvement de la TVA en faveur de l'Assurance invaliditŽ (AI) par 54 % des voix et une petite majoritŽ des cantons. Le taux de participation sÕest ŽlevŽ ˆ 41 %. La majoritŽ des cantons alŽmaniques se sont montrŽs hostiles, alors que la Suisse romande a votŽ unanimement pour le financement additionnel en faveur de l'AI. Les grandes villes ont en gŽnŽral ŽtŽ favorables.

Le rŽfŽrendum facultatif, instaurŽ en 1874, intervient quand, dans les cent jours qui suivent lÕadoption dÕune loi par le Parlement, 50 000 citoyens signent un texte demandant un vote de lÕensemble du corps Žlectoral. Huit cantons peuvent Žgalement dŽclencher un rŽfŽrendum facultatif. La loi, ou les arrtŽs et accords assimilŽs ˆ des lois, ne peuvent alors entrer en vigueur que si les Žlecteurs lÕapprouvent. En pareil cas, seule la majoritŽ du peuple est requise. Selon le Dictionnaire historique de la Suisse (article Ē Constitution fŽdŽrale Č), cÕest cette possibilitŽ qui marque lÕintroduction dÕune forme de dŽmocratie semi-directe dans la vie politique suisse. Le 7 mars 2010, les citoyens ont par exemple refusŽ par prs de 73 % des voix et 45 % de participation la modification de la loi fŽdŽrale sur la prŽvoyance professionnelle vieillesse, survivants et invaliditŽ (dit Ē taux de conversion minimal Č), votŽe en dŽcembre 2008 par lÕassemblŽe fŽdŽrale, prŽvoyant une baisse des rentes.

Enfin, lÕinitiative populaire, instituŽe en 1891, donne le droit ˆ tout Žlecteur de proposer une modification de la Constitution (ou lÕadjonction dÕune nouvelle disposition). Il doit rŽunir ˆ cet effet 100 000 signatures en lÕespace de dix-huit mois. SÕil y parvient – mais il sÕagit Žvidemment dans la plupart des cas dÕun travail collectif –, la proposition est soumise au vote de lÕensemble du corps Žlectoral et doit recueillir Žgalement la double majoritŽ populaire et cantonale. L'initiative populaire donne le plus souvent lieu ˆ un contre-projet, ŽlaborŽ par les autoritŽs et soumis au peuple lors de la mme votation. Depuis 1987, il est possible d'accepter l'initiative et son contre-projet (double oui). En cas de double acceptation, une question subsidiaire posŽe lors de la votation permet de dŽpartager les projets. Pour tre acceptŽs, l'initiative et le contre-projet demandent la majoritŽ du peuple et des cantons. CÕest une initiative populaire qui est ˆ lÕorigine de la votation du 29 novembre 2009, refusant la construction des minarets par 57,5% de oui, et le soutien de vingt-deux cantons avec une participation de 53,4 % du corps Žlectoral.

 

Tableau 1. Les formes de rŽfŽrendum

 

Type de consultation

objet

dŽclenchement

majoritŽ

RŽfŽrendum obligatoire

Toute modification de la Constitution

Automatique, constitutionnelle

Double majoritŽ du peuple et des cantons

RŽfŽrendum facultatif 

La contestation dÕune loi

50 000[8] signatures, ou 8 cantons, dans les 100 jours de la publication de lÕacte officiel

La majoritŽ du peuple

LÕinitiative populaire 

Modification ou crŽation dÕune disposition constitutionnelle

100 000 signatures en 18 mois

Double majoritŽ du peuple et des cantons

Contre projet

Contre-proposition ˆ une initiative populaire

LiŽe ˆ une initiative populaire

Double majoritŽ du peuple et des cantons

 

Les institutions et la pratique des votations varient considŽrablement selon les cantons et les communes. Au niveau cantonal, le fŽdŽralisme suisse repose sur une grande autonomie dÕorganisation politique qui se traduit par vingt-six sous-systmes analogues [Kriesi, 1998]. De faon gŽnŽrale, les droits populaires sont beaucoup plus dŽveloppŽs dans les cantons alŽmaniques que dans les cantons latins, du point de vue du champ de compŽtences des votations, gŽnŽralement plus large, comme du nombre, le plus souvent plus faible, de signatures exigŽ pour dŽposer une votation [Baglioni, 2004 ; Kriesi 1998]. Les cantons ne connaissent pas seulement lÕinitiative populaire constitutionnelle, mais aussi lÕinitiative populaire lŽgislative qui donne la possibilitŽ aux citoyens de proposer lÕadoption dÕune nouvelle loi. Certains cantons ont instaurŽ Žgalement le rŽfŽrendum financier – par lequel certaines dŽpenses publiques doivent tre approuvŽes par les Žlecteurs – ainsi que le rŽfŽrendum lŽgislatif. Dans ce dernier cas, toutes les lois adoptŽes par le Parlement cantonal doivent tre soumises au vote des Žlecteurs.

Le rapport de SŽbastien Micotti sur La dŽmocratie communale en Suisse dresse un panorama dŽtaillŽ des droits populaires au niveau communal ˆ partir de lՎtude des cent dix-huit communes de plus de 10 000 habitants, reprŽsentant au total 42 % de la population suisse. Il existe deux grands types de communes, celui qui conna”t le systme dÕassemblŽe communale (de tous les citoyens), dit systme ordinaire, et celui dans lequel les communes sont dotŽes dÕun Parlement communal, dit systme extraordinaire. Il existe un petit nombre de communes qui ne connaissent ni Parlement communal, ni assemblŽe communale, Ē tout se dŽcide donc dans les urnes, en principe sur proposition de lÕexŽcutif communal Č [Micotti, 2003, p. 28]. Dans le systme avec Parlement communal, le Ē rŽfŽrendum populaire, [est] conu comme restitution du pouvoir de dŽcision au corps Žlectoral dans un systme de dŽmocratie reprŽsentative Č [ibid., p. 34], par opposition au rŽgime de dŽmocratie directe qui caractŽrise le systme dÕassemblŽe communale (dit organisation ordinaire) dans lequel les votations apparaissent comme un dispositif de mise en Ļuvre des pouvoirs des concitoyens. Ce fonctionnement communal est antŽrieur aux mouvements rŽvolutionnaires de la fin du xviiie sicle. On le trouve dans tous les cantons, ˆ lÕexception de ceux de Genve et de Neuch‰tel. Ē Le rŽgime de lÕassemblŽe communale reprŽsente aux yeux de certains la forme la plus pure de dŽmocratie directe, son expression la plus immŽdiate. Les citoyens rŽunis en assemblŽe ne se contentent pas de voter, mais prennent part aux dŽcisions, intervenant dans le dŽbat, ou soulevant les questions relatives aux domaines de la compŽtence communale. Č [ibid., p. 25] Sur les cent dix-huit communes ŽtudiŽes par Micotti, trente-six ont conservŽ le systme dÕassemblŽe communale, mais il sÕagit surtout des plus petites communes.

Enfin, la constitution suisse reconna”t Žgalement le droit de pŽtition. Toute personne Ē capable de discernement Č, majeure, et donc pas seulement les Žlecteurs – ce qui inclut les Žtrangers – a le droit dÕadresser par Žcrit aux autoritŽs des demandes, des propositions ou des plaintes concernant nÕimporte quelle activitŽ de lՃtat. Les autoritŽs sont tenues dÕen prendre connaissance. LÕobligation de rŽpondre nÕest pas prŽvue lŽgalement, mais dans la pratique, toute pŽtition est examinŽe et fait lÕobjet dÕune rŽponse. Les pŽtitions ont jouŽ un grand r™le dans lÕhistoire suisse, notamment dans la premire moitiŽ du xixe sicle. Le dŽveloppement des rŽfŽrendums a diminuŽ son importance, mais la pratique, beaucoup moins contraignante que les procŽdures rŽfŽrendaires, nÕa pas disparu.

2. La procŽdure rŽfŽrendaire

Pour bien comprendre la dynamique des votations, il faut prendre en considŽration lÕensemble du processus rŽfŽrendaire dont le vote ultime est lÕaboutissement. Du dŽclenchement dÕune votation, ˆ la campagne rŽfŽrendaire, puis au vote et enfin ˆ lÕaprs-vote, toutes les Žtapes, strictement rŽglementŽes, participent du dispositif politique des droits populaires.

Le dŽclenchement dÕune votation

Une des spŽcificitŽs fondamentales de la procŽdure rŽfŽrendaire suisse a trait ˆ son dŽclenchement. Les rŽfŽrendums sont soit de droit, soit dŽclenchŽs par des citoyens. Comme le souligne le Guide de la dŽmocratie directe, les rŽfŽrendums Ē sont initiŽs et contr™lŽs non par en haut mais par en bas Č [IRI, 2007, p. 93]. LÕagenda des votations nÕest donc pas ma”trisŽ par la classe politique, ce qui distingue aux yeux des Suisses le rŽfŽrendum dÕun plŽbiscite.

 

RŽfŽrendum et PlŽbiscite

Le Guide de la dŽmocratie directe distingue trois types de consultations des citoyens :

- Les rŽfŽrendums obligatoires, inscrits dans les constitutions autrichienne, danoise et italienne et suisse pour des motifs divers.

- Les rŽfŽrendums facultatifs, dŽclenchŽs ˆ lÕinitiative de citoyens, dont relvent deux des votations suisses mais aussi le rŽfŽrendum abrogatif italien.

- Le plŽbiscite des autoritŽs, improprement dŽnommŽ rŽfŽrendum, dŽclenchŽ ˆ lÕinitiative des autoritŽs, comme le rŽfŽrendum franais.

Les deux premiers types de rŽfŽrendum qui ont pour but de donner du pouvoir aux citoyens appartiennent au rŽpertoire de la dŽmocratie directe, ˆ la diffŽrence du rŽfŽrendum-plŽbiscite dont lÕobjectif est de donner du pouvoir aux reprŽsentants[9].

 

Les comitŽs dÕinitiative (groupe ad hoc, association, parti) dÕune votation jouent un r™le-clef dans les rŽfŽrendums facultatifs et les initiatives populaires, tout dÕabord par la rŽdaction du texte quÕils soumettent ˆ la signature des citoyens pour demander une consultation. Si les dispositions lŽgales sont respectŽes (titre, contenu des listes ˆ signer), lÕinitiative est validŽe par la Chancellerie fŽdŽrale et publiŽe dans la Feuille fŽdŽrale, publication officielle de la ConfŽdŽration, avec les noms des Ē initiants Č. La collecte des signatures peut alors commencer. Les modalitŽs de validation dÕun projet de votation ont variŽ du point de vue de la durŽe de la collecte. La loi fŽdŽrale de 1976 sur les droits politiques (LDP) a limitŽ ˆ dix-huit mois la durŽe de la rŽcolte (auparavant libre). Le Parlement avait une annŽe pour examiner le texte, selon la loi de procŽdure de 1892. RŽgulirement dŽpassŽ, ce dŽlai fut d'abord portŽ en 1950 ˆ deux ans pour les propositions conues en termes gŽnŽraux et ˆ trois ans pour les projets rŽdigŽs de toutes pices, puis fixŽ ˆ trois et quatre ans par la LDP de 1976, enfin ˆ vingt-quatre et trente mois par les rŽvisions de 1996 et 1999. Par lÕinformation et les dŽbats que suscite la dŽmarche de collecte des signatures, cette Žtape est une premire phase importante de la dŽlibŽration politique que suscite une votation.

Les mŽthodes de collecte des signatures se sont assez profondŽment transformŽes depuis une vingtaine dÕannŽes. De la sollicitation directe des citoyens devant les bureaux de vote, on est passŽ ˆ des campagnes postales, puis Žlectroniques, par tŽlŽchargement de feuilles de signatures sur le Net. Les organisations impliquŽes dans les comitŽs dÕinitiatives peuvent dŽployer des moyens importants pour collecter des signatures, pouvant aller jusquÕau million de francs suisses (700 000 euros) en cas de collecte par courrier postal ˆ tous les mŽnages.

Quand la collecte des signatures est achevŽe, les listes sont vŽrifiŽes par les communes, puis remises ˆ la Chancellerie fŽdŽrale, qui constate formellement l'aboutissement, avant lÕexamen par le Conseil fŽdŽral et lÕAssemblŽe fŽdŽrale qui vŽrifient la conformitŽ du texte avec les exigences constitutionnelles, notamment le respect des rgles impŽratives du droit international. Le site de la Chancellerie fŽdŽrale publie les initiatives en suspens et objets soumis au rŽfŽrendum facultatif au stade de la collecte des signatures, leur lՎtat dÕavancement et les rŽsultats. Toutes nÕaboutissent pas et la Chancellerie publie de faon exhaustive la liste des votations nÕayant pas abouti. En avril 2010, outre 7 rŽfŽrendums obligatoires prts ˆ passer en votation, il y avait 13 initiatives et 11 rŽfŽrendums facultatifs au stade de la collecte des signatures. Parmi les initiatives en cours, toutes publiŽes sur le site de la Chancellerie fŽdŽrale, on peut, entre autres sujets, citer lÕinitiative Ē pour des salaires Žquitables Č, dŽposŽe par la Jeunesse socialiste suisse, dont la collecte des signatures a commencŽ le 6 octobre 2010. Le texte soumis ˆ signature propose de modifier la Constitution en introduisant un nouvel article 110a, stipulant que Ē Le salaire le plus ŽlevŽ versŽ par une entreprise ne peut tre plus de douze fois supŽrieur au salaire le plus bas versŽ par la mme entreprise. Par salaire, on entend la somme des prestations en espces et en nature (argent et valeur des prestations en nature ou en services) versŽes en relation avec une activitŽ lucrative. Č La campagne de collecte des signatures sÕachvera le 6 avril 2011.

La campagne rŽfŽrendaire

LÕinscription des votations sur le calendrier des votations de la chancellerie ouvre la campagne rŽfŽrendaire, temps privilŽgiŽ dÕinformations et de dŽbats qui scande de faon trs rŽgulire la vie politique communale, cantonale et fŽdŽrale. Les pouvoirs publics veillent ˆ une information ŽquilibrŽe des citoyens. Depuis 1972, tous les Žlecteurs reoivent un livret rŽfŽrendaire qui expose tous les points de vue. DÕabord rŽdigŽ par le gouvernement, il est depuis 1983 en pratique, et depuis 1994 en droit, rŽdigŽ en partie par les comitŽs dÕinitiative et rŽfŽrendaire. Outre lÕinformation officielle, les campagnes sont alimentŽes par les comitŽs dÕinitiative, les partis, les syndicats, et des associations puissantes et parfois mieux organisŽes que les partis.

 

Mme si toute publicitŽ ˆ la radio et ˆ la tŽlŽvision est interdite, les dŽpenses peuvent aller de plusieurs centaines de milliers dÕeuros ˆ des millions dÕeuros pour les votations les plus disputŽes. Les associations patronales notamment, quand elle estiment que leurs intŽrts sont en jeu, nÕhŽsitent pas ˆ investir de faon consŽquente dans les votations. Ē ƒconomiesuisse  Č, la principale association fa”tire du patronat, joue ainsi un r™le fondamental dans les campagnes rŽfŽrendaires. LÕassociation a pour r™le de veiller ˆ la dŽfense des Ē conditions-cadre optimales pour les entreprises suisses Č, notamment le maintien de la libertŽ des entreprises, et revendique Ē un lobbying intense ˆ tous les niveaux du processus lŽgislatif (participation ˆ des groupes d'experts, prŽparation d'actes lŽgislatifs, procŽdures de consultation, prises de dŽcisions par le Conseil fŽdŽral et le Parlement, votations populaires). Č[10] Dans la dernire votation de mars 2010, portant sur le financement des retraites, Ē ƒconomiesuisse Č aurait ainsi engagŽ de 8 ˆ 10 millions de francs suisses (5,6 ˆ 7 millions dÕeuros). Certes, lÕassociation patronale nÕa pas obtenu satisfaction lors de cette votation, mais une de ses responsables romandes indiquait dans Le Matin du 3 mars 2010 que, depuis 1992, lÕimplication de lÕorganisation patronale aurait initiŽ le rŽsultat de 67 votations sur 72 depuis 1992[11].

Les modalitŽs du vote

LÕeffervescence rŽfŽrendaire ne signifie pas quÕon vote en permanence. Dans la plupart des cas, lorsquÕune votation fŽdŽrale a lieu, les cantons et les communes en profitent pour organiser le mme week-end leurs propres votations. Les scrutins sont en fait regroupŽs et organisŽs quatre fois par an selon un calendrier prŽvu longtemps ˆ lÕavance. Les dates des votations fŽdŽrales sont dÕores et dŽjˆ fixŽes jusquÕen 2028. Pour 2010, elles ont ŽtŽ ainsi programmŽes pour le 7 mars, le 13 juin, le 26 septembre et le 28 novembre, mais cela ne signifie pas que toutes les dates seront effectivement utilisŽes. Il nÕy a par exemple pas eu de votation populaire ˆ la date prŽvue, le 12 fŽvrier 2006. SÕils acceptent un calendrier commun, les 26 cantons et 2614 communes sont souverains en matire d'organisation des scrutins. ĒLe fŽdŽralisme produit une mosa•que d'entitŽs et, donc, de rŽglementations Č, explique H.-U. Wili. Seule dŽmocratie pratiquant lÕassemblŽe physique des citoyens votant ˆ main levŽe, la Suisse est Žgalement le laboratoire du vote par correspondance et mme du vote Žlectronique.

 

Le vote ˆ main levŽe. Avec le canton de Glaris, Appenzell Rhodes-IntŽrieures est le dernier canton ˆ conna”tre lÕinstitution de la Landsgemeinde, Ē assemblŽe solennelle lors de laquelle les citoyens (masculins jusqu'ˆ la fin du xxe s.) jouissant du droit de vote Žlisent les autoritŽs et dŽbattent des affaires du pays Č[12]. ConsidŽrŽe parfois comme lÕexpression la plus aboutie de la dŽmocratie directe, la Landsgmeinde substitue au vote par les urnes la rŽunion physique de tous les citoyens du canton. Ceux-ci se rŽunissent une fois par an, le dernier dimanche dÕavril (Appenzell Rhodes-IntŽrieures) ou le premier dimanche de mai (Glaris) sur la place principale du chef-lieu du canton pour Žlire les plus hautes autoritŽs politiques et judiciaires du canton, et pour dŽlibŽrer et lŽgifŽrer sur les questions politiques importantes.

 

Le vote postal. La Suisse se signale Žgalement par lÕimportance du vote postal, admis en Suisse depuis 1994. Ds la fin des annŽes 1990, prs de la moitiŽ des Suisses ont votŽ par correspondance. Ainsi ˆ Genve, depuis les votations du 13 juin 1999, chaque Žlecteur a la possibilitŽ, sÕil le souhaite, de voter par correspondance sans avoir ˆ en faire la demande, ds la rŽception de son matŽriel de vote. LÕeffet est significatif : ˆ Genve, le vote postal, pratiquŽ par 95 % des votants, a entra”nŽ une hausse de 20 points de la participation (de 30-35 % en 1995 ˆ 50-55 % en moyenne annuelle ds le dŽbut des annŽes 2000). La participation genevoise est dŽsormais lÕune des plus ŽlevŽes du pays, qui vote ˆ plus de 80 % par voie postale.

 

Le vote Žlectronique. En 2000, des essais-pilotes de vote Žlectronique ont ŽtŽ initiŽs ˆ Genve, Neuch‰tel et Zurich. Suite au rapport dՎvaluation publiŽ en 2006[13], le Conseil fŽdŽral a engagŽ un processus de modifications lŽgales et rŽglementaires de faon ˆ permettre une extension du vote Žlectronique. En 2008, une deuxime Žtape d'essais Žlargis de vote Žlectronique a commencŽ, qui vise ˆ ce que 10 % de lՎlectorat puisse en 2011 avoir recours ˆ ce type de vote. B‰le-Ville et Genve lÕont expŽrimentŽ, en particulier pour les Suisses de lՎtranger. Le 8 fŽvrier 2009, les Žlectrices et Žlecteurs genevois ont approuvŽ par une majoritŽ de 70,2 % lÕinscription du vote par internet dans la constitution cantonale, mettant fin, au plan cantonal, ˆ la phase-pilote. Un canton ayant menŽ avec succs cinq essais consŽcutifs de vote Žlectronique peut demander une autorisation Ē Žlargie Č au Conseil fŽdŽral. De nombreux cantons veulent suivre la mme voie, non sans que cela fasse dŽbat. Si les autoritŽs fŽdŽrales peroivent les possibilitŽs Žlectroniques comme une nouvelle chance et une nouvelle dimension des Ē droits populaires Č, le vote Žlectronique suscite de fortes oppositions de tous bords politiques. Selon H.-U. Wili, chef du projet ĒVote Žlectronique Č ˆ la Chancellerie fŽdŽrale, la gŽnŽralisation dans toute la Suisse et dans tous les domaines des votations et Žlections via Internet ne sera pas possible avant des dizaines d'annŽes.

 

aprs-vote. Le vote ne cl™t pas la dynamique rŽfŽrendaire, puisquÕil faut traduire juridiquement les dŽcisions populaires. Cette Žtape est un ŽlŽment important du processus rŽfŽrendaire et pas toujours aisŽe. Ainsi, le 27 septembre 2009, une votation populaire, prenant acte de lÕincapacitŽ de traduire une premire votation dans les textes, a abrogŽ l'initiative populaire gŽnŽrale votŽe en 2003. Le nouvel article introduit dans la constitution devait offrir l'opportunitŽ ˆ 100 000 citoyens de rŽclamer une nouvelle lŽgislation, et pas seulement une disposition constitutionnelle. L'initiative gŽnŽrale a ŽtŽ enterrŽe sans avoir jamais ŽtŽ utilisŽe ; 67,9 % des votants ont acceptŽ de supprimer ce droit populaire inscrit en 2003 dans la constitution. Aprs une campagne quasi inexistante, tous les cantons se sont laissŽ convaincre que l'initiative populaire gŽnŽrale serait trop difficile ˆ appliquer. Cela dit, mme nŽgatifs, les rŽsultats dÕun vote plus ou moins serrŽ exercent leurs effets sur les dŽcisions des Žlus, qui peuvent proposer des dispositions lŽgislatives prenant en compte certaines attentes exprimŽes dans les votations.

3. La pratique de la dŽmocratie directe

Ē Chaque semaine, une initiative populaire ou un rŽfŽrendum est lancŽ quelque part en Suisse Č [Kaufmann et alii, p. 88]. Toutes les demandes de votations nÕaboutissent pas, toutes ne suscitent pas les mmes dŽbats, mais les rŽfŽrendums impriment de faon profonde leur marque dans la vie politique helvŽtique. Les objets, la participation et les rŽsultats des votations fŽdŽrales, auxquelles nous nous limiterons ici, permettent dÕen prendre la mesure.

Les objets des votations

Depuis la rŽvision totale de la constitution helvŽtique de 1848, premier rŽfŽrendum obligatoire, ˆ Ē l'interdiction d'abattre le bŽtail de boucherie sans l'avoir prŽalablement Žtourdi Č, premire initiative populaire de 1893, jusquՈ la modification de la loi fŽdŽrale sur la prŽvoyance professionnelle vieillesse, survivants et invaliditŽ du 28 novembre 2010[14], lՎventail des questions soumises ˆ rŽfŽrendum est vaste. Quel que soit le type de rŽfŽrendum, les votations ne portent pas sur des questions de personnes, ni directement ni indirectement. Rappelons que les rŽfŽrendums obligatoires comme les initiatives populaires, et les Žventuels contre-projets, portent sur la Constitution, les rŽfŽrendums facultatifs concernent toute activitŽ lŽgislative.

 

Tableau 2. Nombres de votations selon le type de rŽfŽrendum[15]

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PŽriode

RŽfŽrendums obligatoires

RŽfŽrendums facultatifs

Initiatives populaires

Initiatives populaires avec contre-projet

Total

Total des

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Initiative

Contre-projet

 

votations (1)

1848-1910

32 

30 

8 

 

 

70 

70 

1911-1930

17 

8 

14 

2 

2 

43 

41 

1931-1950

14 

16 

12 

1 

1 

44 

43 

1951-1970

34 

19 

14 

2 

2 

71 

69 

1971-1990

64 

30 

43 

8 

8 

153 

145 

1991–2000

35 

36 

33 

1 

1 

106 

105 

2001–2010

16

28

34

2 

2

82

80

 

 

 

 

 

 

 

 

1991-2010

51 

64 

67

3

3

188 

185

1848-2010

212 

167

158

16

16 

569

553

(1) Les initiatives populaires avec contre-projet sont comptabilisŽes pour une seule votation

LՎvolution de la rŽpartition des votations selon les types de rŽfŽrendum offre une premire indication sur leurs objets. Le tableau 2 indique que, depuis lÕinstauration des premiers rŽfŽrendums obligatoires sur la constitution en 1848, la frŽquence des votations a fortement augmentŽ, mais Žgalement que leur rŽpartition par type sÕest modifiŽe. Ainsi, aprs avoir comptabilisŽ 70 votations entre 1848 et 1910, les statistiques bidŽcennales de la Chancellerie fŽdŽrale permettent de constater que, de 41 entre 1911-1930, on est passŽ ˆ 185 votations pour les vingt dernires annŽes. La hausse du nombre de votations sÕest accompagnŽe dÕune modification significative de leur rŽpartition par type. JusquÕen 1990, les rŽfŽrendums obligatoires sont les votations les plus nombreuses. Les rŽfŽrendums facultatifs viennent en deuxime jusquÕen 1970, ˆ lÕexception de la dŽcennie 1911-1930, marquŽe par une plus grande vitalitŽ relative des initiatives populaires. Il faut toutefois attendre les annŽes 1970 pour assister au vŽritable dŽveloppement de ces initiatives, qui lÕemportent dÕabord sur les rŽfŽrendums facultatifs, pour devenir le type de rŽfŽrendum le plus important depuis 1990, devant les rŽfŽrendums facultatifs, les rŽfŽrendums obligatoires Žtant dŽsormais au dernier rang. Alors que les initiatives populaires sont les votations les plus difficiles ˆ dŽclencher puisquÕil faut la signature de 100 000 citoyens, les citoyens rŽussissent de plus en plus ˆ initier un tel rŽfŽrendum.

 

 

Tableau 3. Les objets des votations populaires fŽdŽrales de 1971 ˆ 2010

 

Thme 1)

PŽriode

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1971–1980

%

1981–1990

%

1991–2000

%

2001–2010

%

1971-20

%

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RŽgime politique

8

9,88

7

10,94

21

20,00

12

15

 

48

14,55

 

Politique Žtrangre

3

3,70

1

1,56

7

6,67

7

8,75

18

5,45

Politique de sŽcuritŽ

3

3,70

4

6,25

7

6,67

6

7,5

20

6,06

Economie

15

18,52

9

14,06

11

10,48

2

2,5

37

11,21

Finances publiques

16

19,75

3

4,69

9

8,57

7

8,75

34

10,30

Infrastructure, amŽnagement, environnement

16

19,75

21

32,81

19

18,10

14

17,5

69

20,91

Politique sociale

13

16,05

13

20,31

28

26,67

26

32,5

77

23,33

Enseignement, culture et mŽdias

7

8,64

6

9,38

3

2,86

6

7,5

21

6,36

Total votations 2)

81

100,00

64

100,00

105

100,00

80

100,00

330

100,00

1) Le classement des thmes se fonde sur "AnnŽe politique suisse", ŽditŽ par l'Institut de science politique ˆ l'UniversitŽ de Berne.

2) Les initiatives populaires avec contre-projet sont comptŽes comme une seule votation.

Source : Office fŽdŽral de la statistique

 

Le classement des votations par grandes catŽgories (tableau 3) met en Žvidence les thmes qui mobilisent le plus les votations au cours des quarante dernires annŽes. DÕaprs les statistiques fŽdŽrales, sur lÕensemble des 330 votations ayant eu lieu entre 1971 et 2010, les plus nombreuses (23,33 %) ont portŽ sur la politique sociale, plus dÕun cinquime (20,91 %) ont concernŽ les questions dÕinfrastructure, amŽnagement, environnement, les votations relatives au rŽgime politique arrivant en troisime avec (14,55 %). On peut noter la faiblesse des votations portant sur les sujets de sŽcuritŽ, de politique Žtrangre ou encore dÕenseignement, culture et mŽdias.

Si on sÕintŽresse ˆ lՎvolution de sujets, depuis les annŽes 1970, on observe une augmentation des votes sur le rŽgime politique au cours des deux dernires dŽcennies, une baisse considŽrable des votes sur lՎconomie, qui passent de 18,5 % ˆ 2,5 % ; une hausse continue des votes sur la politique sociale (de 16 ˆ 32,5 %) ; lÕimportance assez stable des votes sur lÕinfrastructure, amŽnagement, environnement, ˆ un niveau assez ŽlevŽ. Les sujets de politique sociale comptent dans la dernire dŽcennie pour plus de 32,5 % des votations, alors que les sujets Žconomiques tombent ˆ 2,50 %. Le faible pourcentage de votations sur les questions dՎconomie peut sÕexpliquer par une dŽfinition trs restrictive de la catŽgorie, par rapport ˆ celle intitulŽe Ē politique sociale Č, mais aussi tre le signe dÕun relatif consensus sur lÕorganisation ŽconomiqueÉ Le fort contraste plaide en faveur dÕun effet de construction des catŽgories. On peut noter, enfin, que lÕinquiŽtude sociale ne sÕaccompagne que dÕune croissance modŽrŽe des votations sur les questions de sŽcuritŽ (7,5 %).

La participation

Tableau 4. Le taux de participation aux votations

 

AnnŽes

1911-1930

1931–1950

1951–1970

1971–1990

1991–2010

Taux de participation Votations

59,7

60,5

47,8

40,9

44,1

Taux de participation Conseil national

78,08

74,78

68,31

50,53

45,02

Taux de participation aux votations : moyenne pour toutes les votations d'une pŽriode de vingt ans  

Source : Office fŽdŽral de la statistique

 

LÕidŽe que la participation aux votations est faible et infŽrieure ˆ la participation aux Žlections lŽgislatives est assez rŽpandue. Les donnŽes publiŽes par lÕOffice fŽdŽral de la statistique sur la participation aux Žlections du Conseil national et aux votations depuis 1911 conduisent ˆ nuancer assez fortement cette idŽe. JusquÕen 1990, lÕopinion nÕest pas erronŽe. On vote effectivement plus aux Žlections du Conseil national quÕaux votations. On constate en outre une baisse de lÕintŽrt pour les votations, le taux de participation passant de 59,7 % ˆ 40,9 %. De 1911 ˆ 2010, la participation aux votations a baissŽ du quart, mais celle aux Žlections lŽgislatives a reculŽ de plus de 42 % ! Depuis vingt ans, le taux de participation aux Žlections sÕest rapprochŽ de celui des votations. En fait, depuis les annŽes 1970, la participation aux votations a augmentŽ de plus de 3 points, lˆ o la participation aux Žlections lŽgislatives a continuŽ ˆ reculer de plus de 5 points. LՎcart entre les deux taux de participation, de prs de 20 points se rŽduit dŽsormais ˆ 1 point. Si la tendance se poursuivait, la participation aux votations pourrait devenir supŽrieure ˆ celle des Žlections lŽgislatives.

LÕaugmentation de la participation est dÕautant plus remarquable quÕelle se produit dans un contexte de frŽquence accrue des votations. Il y a eu 106 votations entre 1971 et 1990, et 185 votations dans les vingt annŽes suivantes. LÕexplication de lÕintroduction du vote postal ne peut tre retenue, car elle devrait Žgalement affecter la participation aux Žlections lŽgislatives. On est donc loin dÕun essoufflement de la participation citoyenne aux votations, cela serait plut™t le contraire.

Les rŽsultats

Il existe de fortes inŽgalitŽs dans les taux de rŽussite selon le type de votation. Sur lÕensemble de votations depuis 1848, les trois-quarts des rŽfŽrendums obligatoires sont ratifiŽs, contre un peu plus de la moitiŽ des rŽfŽrendums facultatifs, et un dixime seulement des initiatives populaires (tableau 5).

 

Tableau 5. RŽsultats des votations

 

 

RŽfŽrendums obligatoires

RŽfŽrendums facultatifs

Initiatives populaires

IP avec contre-projet

Contre-projet

Total

 

AcceptŽs

RejetŽs

AcceptŽs

RejetŽs

AcceptŽes

RejetŽes

AcceptŽs

RejetŽs

AcceptŽs

RejetŽs

AcceptŽs

RejetŽs

1971-1990

70,3

29,7

50,0

50,0

0,0

100,0

 

12,5

 

87,5

 

37,5

 

62,5

48,4

51,6

1991-2000

80,0

20,0

69,4

30,6

6,1

93,9

 

 

0,00

 

100

 

 

0,00

 

 

100

32,7

67,3

2001-2010

68,75

 

31,25

 

82,14

 

17,86

 

14,71

 

85,29

 

50,00

 

50,00

 

0,00

 

100,00

 

48,8

51,2

1848-2010

74,5

25,5

55,7

44,3

9,5

90,5

18,8

81,3

37,5

62,5

48,3

51,7

 

Note : Les deux dernires colonnes Ē initiatives populaires avec contre-projet Č concernent seize votations sur toute la pŽriode. Les contre-projets sont devenus rares au cours des deux dernires dŽcennies (trois cas seulement).

Source : Office fŽdŽral de la statistique

 

Si, dans lÕensemble, les votations acceptŽes sont presque aussi nombreuses que celle rejetŽes par les Žlecteurs, les rŽsultats divergent sensiblement selon le type de consultation. Trois fois sur quatre, le peuple suit les dŽcisions de modification de la constitution votŽes par lÕassemblŽe fŽdŽrale. Il confirme un peu plus de la moitiŽ des lois soumises ˆ une votation suite ˆ un recours des citoyens, mais se montre en revanche trs rŽticent ˆ adopter les initiatives populaires : moins de 10 % de celles-ci sont approuvŽes par les citoyens. Il semble toutefois se produire depuis le dŽbut du sicle une Žvolution assez significative. Ainsi, au cours des dix dernires annŽes, le taux dÕacceptation des rŽfŽrendums obligatoires est devenu infŽrieur ˆ 70 %. Le taux dÕacceptation a cependant augmentŽ pour les rŽfŽrendums facultatifs, mais Žgalement pour les initiatives populaires.

LÕinterprŽtation nÕest pas aisŽe. La baisse du nombre de rŽfŽrendums obligatoires acceptŽs traduit une plus grande distance par rapport aux dŽcisions de lÕassemblŽe fŽdŽrale, mais en revanche le peuple confirme davantage les choix lŽgislatifs. Cela peut cependant tre aussi le signe dÕune meilleure prise en compte des attentes des citoyens. Mme si le taux dÕacceptation des initiatives populaires reste faible, dŽpassant ˆ peine les 15 %, depuis 2001, le peuple les ratifie cependant Žgalement deux fois plus souvent quÕau cours de la dŽcennie prŽcŽdente. Ces donnŽes peuvent tre lÕindice dÕune plus grande ouverture du dŽbat politique, voire dÕun effritement du consensus.

En tout Žtat de cause, il ne faut pas sÕarrter au rŽsultat final dÕun scrutin. Il serait erronŽ de dŽduire du faible taux de rŽussite des initiatives populaires que les citoyens Žchouent le plus souvent ˆ influencer lÕaction politique. Les droits populaires exercent un effet en amont sur les institutions reprŽsentatives, conduisant les Žlus ˆ prter attention aux attentes des citoyens. Mme les votations refusŽes exercent leurs effets. LorsquÕune votation est rejetŽe, cela ne signifie pas nŽcessairement que la dŽlibŽration populaire soit sans effet. Les chambres peuvent de faon indirecte ou attŽnuŽe intŽgrer certains ŽlŽments en jeu dans une votation dans la lŽgislation en rapport avec lÕenjeu du rŽfŽrendum. Les droits populaires exercent une influence directe et indirecte profonde sur la vie politique suisse.

4. Les vertus des droits populaires

Les droits populaires donnent une forme moderne ˆ la pensŽe des sophistes, prŽsentŽe et discutŽe par Socrate dans le dialogue Ē Protagoras Č de Platon, selon laquelle tous les citoyens sont dotŽs de lÕaretŽ, la vertu, cette disposition ˆ intervenir en acte et en parole dans les affaires publiques [Bevort, 2007]. Ils expriment une conception de lÕart politique selon laquelle, contrairement ˆ ce que pensait Platon, lÕaretŽ ne relve pas de la connaissance, mais dÕune conception pragmatique de la vertu qui attribue ˆ tous les citoyens les qualitŽs dÕaid™s (la honte) et de dik (justice, rgle), incitant chacun ˆ agir pour le bien de la citŽ. Les procŽdures rŽfŽrendaires reposent sur la confiance dans la compŽtence dŽmocratique des citoyens, sur lÕidŽe que la vertu reprŽsente Ē lÕexcellence propre de lÕhomme, laquelle ne sÕincarne nulle part mieux que dans lÕaction politique Č [Raynaud, Rials, 1996, p. 725]. Elles font Žgalement Žcho ˆ lÕidŽe que la vertu est le principe de la dŽmocratie, selon les mots de Montesquieu. Les votations mettent en Žvidence comment les institutions et la pratique des droits populaires se nourrissent lÕun lÕautre, stimulent lÕart politique des citoyens. Elles apparaissant comme autant dÕateliers pratiques de la dŽmocratie, qui exemplifient la triple vertu dŽlibŽrative, rŽgulatrice et Žducative de la participation citoyenne ˆ la vie de la citŽ.

Les vertus dŽlibŽratives

Le fait quÕil ne se passe pour ainsi dire pas de semaine sans quÕune initiative populaire ou un rŽfŽrendum ne soit initiŽ quelque part en Suisse, ˆ un niveau ou ˆ un autre, illustre la dynamique dŽlibŽrative des droits populaires. Les votations alimentent de faon quasi continue des dŽbats politiques approfondis sur tous les sujets qui importent dans les affaires de la citŽ. Si lÕon partage lÕidŽe dÕAmartya Sen, selon laquelle Ē la meilleure dŽfinition de la dŽmocratie est celle de gouvernement par la discussion Č [2009, p. 386], cette qualitŽ dŽlibŽrative des droits populaires est une vertu essentielle. Elle importe dÕautant plus quÕelle ne se limite pas ˆ mettre en scne une dŽmocratie dÕopinion, mais donne corps ˆ un vŽritable pouvoir dŽlibŽratif qui se manifeste ˆ travers la ma”trise de lÕagenda politique, lÕanimation des dŽbats politiques, et un rŽel pouvoir de dŽcision.

Les rŽfŽrendums facultatifs et les initiatives populaires donnent aux citoyens un accs privilŽgiŽ ˆ lÕagenda politique, en leur permettant de mettre ˆ lÕordre du jour des sujets que la classe politique nÕaurait pas nŽcessairement mis en dŽbat. Au niveau fŽdŽral, les initiatives populaires imposent ainsi des dŽlibŽrations sur les grands dŽbats de sociŽtŽ (lÕemploi, lÕenvironnement, les retraites, les transports publics, la poste, le temps de travail, lÕassurance maladieÉ ). Aux niveaux cantonal et communal, les dŽbats sur les Ē grands Č enjeux (les budgets cantonaux) comme sur les Ē petites Č questions de voisinage (la crŽation dÕune zone de vitesse limitŽe ˆ 30 km/h par exemple) ne sont pas moins sujets ˆ donner vie ˆ une conception du politique comme vivre et agir ensemble, qui ne limite pas le pouvoir citoyen ˆ lՎlection des reprŽsentants.

Les droits populaires reconnaissent aux citoyens un pouvoir de dŽcision important. Les rŽfŽrendums obligatoires et les initiatives populaires donnent aux citoyens le dernier mot en matire constitutionnelle. La possibilitŽ des rŽfŽrendums facultatifs sur tout vote lŽgislatif conduit les Žlus ˆ prter une grande attention ˆ lÕopinion publique. Les processus rŽfŽrendaires dŽplacent les enjeux de la vie politique des questions de personnes aux questions politiques, ce qui distingue singulirement la Suisse de la vie politique franaise grandement polarisŽe par lÕenjeu prŽsidentiel.

Les vertus rŽgulatrices

Outre le fait dÕimpliquer les citoyens dans le dŽbat et la dŽcision politique, les droits populaires exercent un effet de rŽgulation sur la vie politique suisse. Ils produisent une redistribution du pouvoir politique et contribuent ˆ une autre conception du travail politique professionnel.

Le pouvoir politique est trs faiblement concentrŽ dans le systme politique suisse. Avec lÕautonomie cantonale et le bicamŽrisme, les droits populaires forment systme pour imposer un partage ŽquilibrŽ des pouvoirs politiques entre la fŽdŽration et les cantons. Historiquement, les droits populaires se sont dŽveloppŽs paralllement ˆ la construction du systme confŽdŽral. Le rŽfŽrendum obligatoire est inscrit en 1848 dans la constitution fŽdŽrale fondatrice de la Suisse moderne. Le rŽfŽrendum facultatif, instaurŽ lors de la rŽvision modŽrŽe de la constitution promulguŽe le 29 mai 1874, permettant alors ˆ 30 000 citoyens ou huit cantons de provoquer une votation pour rejeter une loi ou un arrtŽ fŽdŽral, est notamment mis en place pour apaiser les craintes dÕune centralisation opŽrŽe par voie lŽgislative. Pour Lehmbruch, la crŽation du rŽfŽrendum facultatif a, Ē dans le long terme induit les coalitions gouvernantes ˆ coopter les principaux partis minoritaires dans lÕexŽcutif fŽdŽral, (É) dans lÕespoir de leur faire abandonner le recours aux rŽfŽrendums Č [1993, p. 6]. La double majoritŽ cantonale et populaire exigŽe par les rŽfŽrendums obligatoires et les initiatives populaires est ˆ la fois lÕexpression et la garantie du fŽdŽralisme.

Outre lÕeffet en amont sur le mode de fonctionnement de la dŽmocratie reprŽsentative, dŽjˆ soulignŽ, la dynamique potentielle des votations contraint le systme politique ˆ la transparence, ˆ lÕinformation, ˆ lՎcoute. Elle oblige ˆ rendre compte des dŽcisions comme des projets, ˆ engager les consultations les plus larges en amont des dŽcisions parlementaires. Tous ces mŽcanismes produisent une autre conception du politique, moins centrŽe sur le pouvoir et le savoir. Les droits populaires Žlvent le statut des citoyens ˆ celui de politiciens occasionnels. La dŽmocratie directe limite la professionnalisation et la personnalisation de la politique. La prŽsidente ou le prŽsident de la ConfŽdŽration change chaque annŽe, et les dŽputŽs sont le plus souvent ˆ temps partiels. La dŽmocratie nÕy est pas le domaine rŽservŽ des professionnels. Les droits populaires contrarient les tendances ˆ la prolifŽration bureaucratique de lÕappareil dՃtat et ˆ lÕoligarchie et la fermeture sur soi du personnel politique. Loin de creuser la distance entre les professionnels de la politique et les citoyens, les votations rapprochent citoyens et politiciens et imposent une relation plus continue entre les reprŽsentants Žlus et les citoyens. La participation aux votations de tous les citoyens ˆ tous les niveaux communal, cantonal, fŽdŽral crŽe une forte identitŽ suisse, favorise lÕintŽgration politique et accro”t la lŽgitimitŽ des dŽcisions politiques.

Les vertus Žducatives

Dans La dŽmocratie des autres, A. Sen attribue trois avantages ˆ la dŽmocratie pour les citoyens [Sen, 2006, p. 70-71]. Premirement, la participation politique et sociale reprŽsente une valeur intrinsque pour la vie humaine et son bien-tre. Deuximement, la dŽmocratie a une valeur instrumentale dans lÕamŽlioration de la rŽceptivitŽ ˆ lÕexpression et ˆ la satisfaction des besoins politiques mais aussi Žconomiques et sociaux des gens. Troisimement, la pratique de la dŽmocratie donne lÕopportunitŽ aux gens dÕapprendre les uns des autres, et aide la sociŽtŽ ˆ former ses valeurs et ses prioritŽs.

Deux chercheurs suisses, Mathias Benz et Alois Stutzer, confirment ˆ cet Žgard, de faon frappante, le r™le constructif de la dŽmocratie. Selon les thŽoriciens du public choice, rappellent-ils dans leur article Ē Are Voters Better Informed When They Have a Larger Say in Politics? Evidence for the European Union and Switzerland Č [2004], les citoyens sont rationnellement ignorants en matire politique parce que les cožts dÕinformation excdent largement lÕutilitŽ que les individus en retirent. LՎlecteur rationnel sait que son vote a peu dÕeffet sur le rŽsultat dÕun vote, donc il a Ē intŽrt Č ˆ sÕabstenir. En fait, dŽmontrent les deux chercheurs, le cožt de lÕinformation comme lÕutilitŽ de celle-ci peuvent largement varier en fonction du systme politique. Plus on offre aux citoyens des opportunitŽs de participer ˆ la vie politique, mieux ils sont en effet informŽs. Exploitant une enqute suisse qui permet de mettre en rapport dÕun canton ˆ lÕautre les connaissances politiques et lՎtendue des dispositifs de dŽmocratie directe, les donnŽes indiquent clairement une corrŽlation positive entre ces deux variables. Plus on a de possibilitŽs de participer, mieux on est informŽ, toutes choses Žgales par ailleurs. LÕeffet sur le niveau dÕinformation liŽ ˆ une plus grande possibilitŽ de participation est comparable ˆ lÕeffet Žducation ou lÕeffet revenu. LÕanalyse dÕune enqute europŽenne sur les connaissances en matire dÕinstitutions communautaires aboutit au mme rŽsultat. Dans les pays o les Žlecteurs ont pu sÕexprimer par rŽfŽrendum sur le traitŽ europŽen, les connaissances sont meilleures, ˆ lÕexception toutefois notable de la France.

Faisant la synthse dÕautres travaux ayant ŽtudiŽ la relation entre dŽmocratie directe et performance Žconomique, le Guide de la dŽmocratie directe rend compte dÕun certain nombre de rŽsultats qui indiquent que le degrŽ dÕextension des droits populaires ne nuit pas ˆ la performance Žconomique des cantons, au contraire. Selon les travaux de deux Žconomistes de St-Gall, G. KrichgŠssner et Lars Feld [Kaufmann et alii, p. 83-84], les rŽsultats seraient assez convergents. Dans les cantons o lÕon participe le plus, la performance Žconomique en termes de PIB par tte est de 15 % plus ŽlevŽe. Lˆ o les citoyens peuvent voter sur le budget cantonal, lՎvasion fiscale est infŽrieure de 30 %, correspondant ˆ un montant moyen de 1500 francs suisses. Les dŽpenses publiques sont 10 % moins ŽlevŽes dans les communes dont les citoyens peuvent approuver le budget par rŽfŽrendum. La dette publique y est moins grande de 25 %. Les services publics cožtent moins cher dans les communes connaissant la dŽmocratie directe. Dans son ouvrage, SociŽtŽ civile et capital social en Suisse, Simone Baglioni rŽsume bien le processus Žducatif des droits populaires [2004, p. 189] : Ē Comme Pateman lÕavait suggŽrŽ, lÕintŽrt et la compŽtence politiques ne sont pas innŽs, mais bien plut™t modelŽs par le systme politique. Un systme participatif incite davantage la compŽtence et lÕintŽrt pour la politique quÕun systme de dŽlŽgation qui favorise lÕapathie et lÕincompŽtence Č. La participation fait prendre conscience que les sorts des citoyens sont liŽs.

Droits populaires et dŽmocratie consociative

Pour le thŽoricien du consociatonalisme, Arendt Lijphart, la Suisse, en tant que pays segmentŽ dont le fonctionnement dŽmocratique repose sur le partage du pouvoir et le consensus, constitue un exemple paradigmatique de dŽmocratie consociative [Lijphart, 1977]. Les dŽmocraties consociatives reprŽsentent des Ē formes fortes de dŽmocraties de consensus Č (Lijphart, 1994, p. 3) qui, avec les dŽmocraties majoritaires, constituent pour cet auteur les deux principaux types de dŽmocraties [Lijphart, 1984]. Dans les sociŽtŽs affectŽes par de profondes divisions linguistiques, religieuses, culturelles, idŽologiques, la rŽgulation politique par le simple principe de la majoritŽ ne suffit pas. En maximisant la rgle de la majoritŽ qui emporte la dŽcision (Ē maximize the size of the ruling majority Č, 1999, p. 33), la dŽmocratie de consensus produit non seulement une meilleure reprŽsentation des diffŽrents segments composant la sociŽtŽ, mais Žgalement un gouvernement plus efficient. Dans Patterns of Democracy [1999], Lijphart retient dix critres pour caractŽriser une dŽmocratie de consensus : la grande coalition, lՎquilibre entre les pouvoirs lŽgislatif et exŽcutif, le multipartisme, la reprŽsentation proportionnelle, le corporatisme de groupes dÕintŽrt (un libŽral corporatisme), le fŽdŽralisme, un bicamŽrisme fort, la rigiditŽ constitutionnelle, le contr™le judiciaire des lois et rŽglementations, lÕindŽpendance de la banque centrale. En lÕabsence de contr™le judiciaire, la Suisse satisfait neuf de ces dix critres.

De faon assez surprenante, les droits populaires ne figurent pas parmi les dix caractŽristiques ŽnoncŽes par Lijphart dans son analyse de la Suisse comme exemple de dŽmocratie de consensus. Le rŽfŽrendum nÕappara”t que comme facteur de rigiditŽ constitutionnelle parce que les amendements ˆ la constitution requirent une double majoritŽ cantonale et populaire. La reconnaissance tardive du suffrage fŽminin est une bonne illustration de la difficultŽ quÕintroduit cette exigence de double majoritŽ. Cette relative inattention aux droits populaires est probablement liŽe au r™le privilŽgiŽ que Lijphart attribue aux Žlites dans son modle thŽorique. Le consensus y appara”t comme le fruit dÕune coopŽration entre les leaders des diffŽrents Ē segments Č qui composent le pays. Pourtant, les droits populaires sont probablement, avec le fŽdŽralisme et la concordance, un des rouages-clefs de la dŽmocratie consociative suisse. Pour Lijphart, la concordance concerne les Žlites, mais le possible, voire nŽcessaire, recours au peuple en cas de dŽcision importante est une puissante contrainte au compromis. En consacrant les citoyens comme des acteurs ˆ part entire dans la vie politique suisse, les votations imposent aux Žlites un fonctionnement qui ne peut se rŽduire aux accords entre les Žlites. La dŽmocratie suisse appara”t autant comme le fruit des dŽcisions des Žlites que comme le choix des citoyens. A. Trechsel et P. Sciarini [2003], ˆ partir de lÕanalyse des votations depuis 1947, concluent que les droits populaires ne mettent pas en cause la lŽgitimitŽ des dirigeants politiques. De mme, S. Baglioni souligne, dans son ouvrage SociŽtŽ civile et capital social en Suisse, que Ē les citoyens suisses montrent en effet un niveau de confiance institutionnelle plus ŽlevŽ que la moyenne relevŽe dans les pays de lÕEurope de lÕEst et de lÕOuest Č [Baglioni, 2004, p. 195].

Si la dŽmocratie de consensus bŽnŽficie de la confiance politique des citoyens, cÕest peut-tre parce que les institutions politiques leur donnent un droit de contr™le important sur la vie politique. CÕest parce que les droits populaires sont potentiellement autant facteurs de dissensus que de consensus quÕils imposent un fonctionnement poussant tous les acteurs ˆ construire des compromis qui reposent sur lÕaccord le plus large. Les votations nՎliminent donc pas les conflits, lÕexpression des dissensus, ils en sont au contraire un outil dÕexpression, mais aussi un mode de dŽpassement. Ils agissent de fait comme un facteur de lŽgitimitŽ et de stabilitŽ du systme politique.

Ce faisant, les droits populaires, en donnant aux citoyens les outils dÕune citoyennetŽ active introduisent un ŽlŽment dÕincertitude qui peut affecter la logique mme du systme de dŽmocratie semi-directe. LÕaugmentation des rŽfŽrendums et les clivages sociŽtaux quÕils mettent en lumire traduisent une polarisation croissante de la vie politique suisse. LՎmergence de lÕUDC et certaines votations comme celle sur lÕinterdiction des minarets en sont les signes indŽniables. On peut Žgalement observer que les votations les plus importantes donnent lieu ˆ un vŽritable marketing politique, dont les dŽpenses de plus en plus ŽlevŽes engagŽes dans les campagnes rŽfŽrendaires sont lÕindice. La logique du rŽgime est-elle pour autant en cause ? Chacun est tentŽ dՎvaluer ˆ lÕaune de ses propres opinions politiques ou acadŽmiques les mŽfaits-bienfaits de la dŽmocratie directe. Les uns liront lՎvolution en cours comme la manifestation des excs de dŽmocratie, ou comme une dŽrive populiste, la dŽmonstration de lÕimmaturitŽ des citoyens. DÕautres font confiance aux vertus des droits populaires pour trouver des solutions aux tensions qui se manifestent. Quelle que soit lÕapprŽciation que lÕon porte, la croissance de votations, les dŽnis apportŽs aux Žlites, que cela soit sur les minarets ou lÕassurance-ch™mage, montrent que le peuple suisse sÕaffirme comme un acteur autonome par rapport aux organisations reprŽsentatives et leurs leaders, confirmant que la dŽmocratie de consensus ne signifie pas lÕabsence de conflits. Le cožt croissant des votations reprŽsente de toute Žvidence un facteur dÕinŽgalitŽ amenant certains observateurs ˆ estimer que cela fait de la dŽmocratie politique suisse un modle cožteux, accessible seulement aux nantis et aux acteurs organisŽs. Outre que cela vaut probablement plus encore pour les campagnes Žlectorales, les moyens financiers ne sont pas toujours gagnants. On peut mme penser que, plus que pour les Žlections, les votations accroissent le pouvoir citoyen et attŽnuent les inŽgalitŽs de fortune et dՎducation.

Les interrogations sur lÕavenir de la dŽmocratie consociative ne sont pas nouvelles. Au dŽbut des annŽes 1990, G. Lehmbruch se demandait si lÕeffritement de la cohŽsion des segments minoritaires, notamment catholiques et socialistes, et la montŽe de lÕindividualisme nՎrodaient pas les traditions consociatives suisses. Il concluait cependant que la persistance des clivages linguistiques et culturels, lÕarchitecture institutionnelle et la socialisation politique des Žlites lui semblaient assurer au systme politique suffisamment de flexibilitŽ pour tre Ē capable de survivre ˆ lՎrosion des rŽseaux organisationnels traditionnels Č [Lehmbruch, 1993, p. 59]. Prs de vingt ans plus tard, lÕinterrogation demeure, mais elle est peut-tre propre ˆ tout systme dŽmocratique, dont les ressorts sont autant de mises en tension permanente. La Suisse est probablement un des rares exemples de dŽmocratie rŽflexive au sens de P. Rosanvallon, cÕest-ˆ-dire comme un systme disposant de Ē mŽcanismes correcteurs et compensateurs Č des limites de la dŽmocratie Žlectorale-reprŽsentative, [2008, p. 195-196]. Sans le citer, les analyses de Rosanvallon, notamment quand il parle dÕune forme dÕ Ē encadrement du systme majoritaire Č, rejoignent celles de Lijphart. Plus encore que le politologue nŽerlandais, Rosanvallon ne prend toutefois gure en compte les droits populaires comme une forme de dŽpassement de la rgle majoritaire, privilŽgiant comme mŽcanisme correcteur le contr™le de constitutionnalitŽ ou les formes de contre-dŽmocratie, sans envisager le modle de dŽmocratie de consensus suisse. CÕest pourtant dans les droits populaires que rŽsident peut-tre les ressources les plus efficaces permettant ˆ la dŽmocratie de consensus de rŽsoudre les tensions quÕelle affronte.

Pour autant, les droits populaires nՎliment pas ce que B. Voutat [BacquŽ et alii, 2005] nomme lÕambivalence de la dŽmocratie et de la souverainetŽ populaire parce que cette ambivalence est pour ainsi dire lÕessence mme du pari dŽmocratique. La dŽmocratie directe ne repose pas sur lÕillusion que les citoyens garantissent la Ē bonne dŽcision Č, mais elle postule que les citoyens sont in fine plus aptes que les rois-philosophes, les avant-gardes ou les professionnels ˆ dŽcider des affaires de la citŽ. La dŽmocratie nÕest pas un sport de spectateurs, ni une affaire de professionnels, mais une activitŽ citoyenne. Les votations offrent dans les limites bien particulires propres ˆ la Suisse une rare expŽrience assez poussŽe de la conception de la dŽmocratie comme pouvoir du peuple pour le peuple par le peupleÉ Dans le dŽbat engagŽ sur la crise quÕaffrontent les institutions reprŽsentatives, lÕexpŽrience suisse offre, toutes choses Žgales par ailleurs, matire ˆ rŽflŽchir pour les dŽmocraties reprŽsentatives ˆ la recherche dÕune nouvelle lŽgitimitŽ.

 

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[1] Notre analyse prend son origine dans un voyage dՎtudes en Suisse organisŽ par IRI (lÕInstitut europŽen sur lÕinitiative et le rŽfŽrendum) qui a eu lieu fin septembre 2005. Nous y avons bŽnŽficiŽ dÕun certain nombre de prŽsentations et de rencontres avec des acteurs et des chercheurs. Outre les informations rŽunies lors de ce voyage, notamment dans une rencontre avec Hans-Urs Wili, chef de la section des droits politiques ˆ la Chancellerie fŽdŽrale, et les donnŽes et analyses rŽunies dans le Guide de la dŽmocratie directe en Suisse et au-delˆ, par Bruno Kaufmann, Rolf BŸchi, Nadja Braun, ŽditŽ par lÕIRI [2005 pour la premire Ždition en langue franaise, 2007 pour lՎdition franaise], nos analyses sont redevables ˆ lÕouvrage de rŽfŽrence de Hanspeter Kriesi, Le systme politique suisse [1998], ainsi quÕau Dictionnaire historique de la Suisse, (DHS), Editions Gilles Attinger ˆ Berne, 2002-2009, disponible [en ligne] : <http://www.hls-dhs-dss.ch/index.php?lg=f&pagename=project&pagenum=4>.

[2] Article Ē DŽmocratie de concordance Č du Dictionnaire historique de la Suisse [2002-2009], [en ligne] <http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F10095.php>.

[3] Ces principes ne vont pas de soi. Ouvrant la sŽance du Conseil fŽdŽral le 20 octobre 2004, le PrŽsident de la ConfŽdŽration, Monsieur Joseph Deiss, a demandŽ ˆ ses collgues de mettre fin ˆ des semaines de discussions portant sur la collŽgialitŽ, la concordance et les t‰ches du Conseil fŽdŽral. Il a soulignŽ que le mandat du Conseil fŽdŽral est inscrit dans la Constitution. Celle-ci prŽcise que le Conseil fŽdŽral prend ses dŽcisions en autoritŽ collŽgiale, ce qui signifie que chacun des membres du gouvernement du pays doit respecter, dŽfendre et appliquer les dŽcisions du collge. Aux yeux du PrŽsident de la ConfŽdŽration, le bon fonctionnement d'un gouvernement collŽgial repose sur le consensus. Pour parvenir ˆ ce consensus, le PrŽsident attend de ses collgues qu'ils dŽbattent de leurs divergences au sein du collge et non pas avec des dŽclarations publiques. (source, site de la ConfŽdŽration suisse, [en ligne] <http://www.news.admin.ch/message/index.html?lang=it&msg-id=19741>)

[4] Depuis les Žlections du Conseil national du 21 octobre 2007, lÕUnion dŽmocratique du centre compte 62 reprŽsentants (cinq UDC ont formŽ le Parti bourgeois dŽmocratique en mars 2009) ; le Parti socialiste suisse, 43 ; le Parti radical dŽmocratique, 35 ; le Parti dŽmocrate chrŽtien, 31. Les autres mouvements politiques ont 29 reprŽsentants dont 20 pour Les Verts.

[5] Devenu le Parti libŽral-radical au 1er janvier 2009.

[6] Traditionnellement, un conseiller fŽdŽral est rŽŽlu jusqu'ˆ sa dŽmission et les cas de non rŽŽlections sont extrmement rares. Ils ont cependant particulirement touchŽ lÕUDC, dÕabord en dŽcembre 2003, quand sa reprŽsentante, Ruth Metzler-Arnold nÕa pas rŽŽlue et fut remplacŽe par Christoph Blocher, qui ˆ son tour nÕa pas rŽŽlu en dŽcembre 2007 et fut ˆ son tour remplacŽ par un autre membre de lÕUDC, Evelin Wildmer-Schlumpf. LÕ exclusion de cette dernire de lÕUDC est ˆ lÕorigine de la crŽation du parti bourgeois dŽmocratique.

[7] Article Ē Droits populaires Č du Dictionnaire historique de la Suisse.

[8] En 2010, le corps Žlectoral suisse est trs lŽgrement supŽrieur ˆ 5 000 000 personnes. Il faut donc 1 ou 2 % des Žlecteurs pour initier un rŽfŽrendum facultatif ou une initiative populaire, lˆ o, en France, la loi dÕorientation pour lÕamŽnagement et le dŽveloppement du territoire du 4 fŽvrier 1995 exige un seuil de 20 % des Žlecteurs pour saisir le conseil municipal en vue de lÕorganisation dÕune consultation sur une opŽration dÕamŽnagement.

[9] En France, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a Žlargi le domaine rŽfŽrendaire en instituant la possibilitŽ de soumettre un projet aux citoyens dÕune collectivitŽ territoriale sous forme dÕun rŽfŽrendum dŽcisionnel. Cette dispositions est toutefois dans la logique du rŽfŽrendum des articles 11 et 89 de la Constitution de 1958 : seul lÕexŽcutif municipal peut proposer la soumission dÕun projet au rŽfŽrendum. La validation suppose que la moitiŽ des Žlecteurs inscrits ait pris part au vote.

[10] Citations extraites de la prŽsentation de lÕassociation ƒconomiesuisse sur son site web.

[11] Le Matin, 3 mars 2010.

[12] Article Ē Landsgemeinde Č du Dictionnaire historique de la Suisse.

[13] Rapport sur les projets pilotes en matire de vote Žlectronique, Conseil fŽdŽral, Berne, 31 mai 2006.

[14] Dernire date des votations prises en comptes dans cet article.

[15] Source de toutes les donnŽes : lÕencyclopŽdie statistique de la Suisse, publiŽ par lÕOffice fŽdŽral de la statistique, lÕadministration fŽdŽrale. Pour ce tableau, toutes les donnŽes sont mises [en ligne] : <http://www.bfs.admin.ch/bfs/portal/fr/index/themen/17/22/lexi.html>.